18 des plus belles mélodies de Pauline Viardot !
Stéphanie d’Oustrac, mezzo
Françoise Tillard, piano
Au Chant de Linos
Le CD est sorti le 8 octobre 2021. Pour vous en donner un avant-goût, la vidéo : https://youtu.be/ZYp8Pgsvx4Y
Pauline Viardot, morte à Paris le 18 mai 1910, est née dans la même ville le 18 juillet 1821, il y a exactement deux siècles.
Immense cantatrice fêtée et adorée par les artistes et les lettrés de son époque comme un esprit et une musicienne hors normes, hors pairs, il lui a fallu attendre les tempêtes féministes du début du XXIe siècle pour que se dégage son importance dans l’histoire des idées et l’histoire de la musique.
George Sand l’a rendue célèbre dans son roman fleuve « Consuelo », le modèle de l’artiste et de la femme libre. Parler de Pauline Viardot, c’est évoquer le bottin mondain de tout ce qui comptait intellectuellement dans l’Europe du XIXe siècle. Elle a été la muse de George Sand, Alfred de Musset, Tourgueniev, elle a fait l’admiration des Schumann, de Berlioz, Gounod, Saint-Saëns, Meyerbeer, Massenet, Brahms, Fauré, Verdi… Elle a fondé son enseignement sur les « maîtres anciens », Haendel, Bach, Vivaldi que ses éditions musicales remettaient en avant, promu Glinka, Schubert… Tout cela déboule comme une litanie lorsque l’on veut parler d’elle et on oublie qu’elle a composé nombre de mélodies qui figurent parmi les plus attrayantes du répertoire.
Ce CD lui rend justice. Il aurait été facile d’y inclure les magnifiques arrangements sur les chansons de son père, le ténor Manuel Garcia, à côté de ceux que lui inspiraient Haydn ou Brahms. Cela pourrait faire l’objet d’un autre CD ! Celui-ci comprend uniquement ses œuvres à elle, et c’est son originalité. L’infini variété de l’inspiration justifie ce choix. On pourrait presque être dérangée par la capacité de Pauline Viardot à se glisser dans des textes et des caractères aussi différents, comme un caméléon, comme une artiste peu soucieuse de son ego et faisant feu de tout ce qui pouvait faire vivre le théâtre dans sa musique. Aucun souci d’unité d’écriture dans ce personnage vivant d’improvisation. Le paradigme du compositeur souffrant et solitaire n’est pas son problème. Elle est musicienne, avant tout. Perdre sa voix n’a pas été une catastrophe, la musique lui restait entière, dans son enseignement, dans ses concerts privés, dans sa composition.
Vous trouverez dans ce CD, à côté des grandes scènes de théâtre classique que sont les tirades d’Hermione et de la Phèdre de Racine, de joyeuses farces sur deux fables de La Fontaine, Le Chêne et le Roseau (créé avec Chopin au piano…) et Le Savetier et le Financier. Ce ne sont certes pas des romances, et pas non plus des mélodies aux formes convenues ABA… Ce sont des scènes de théâtre, un théâtre de salon, un théâtre dans la vie privée, entouré d’amis privilégiés. Avec Sara la Baigneuse, probablement une des plus belles pièces du répertoire piano-chant (encore une fois, est-ce une mélodie ?), Pauline salue le grand poète de son siècle, Victor Hugo, de même que dans cette bluette ignorée datant de la jeunesse de l’écrivain, Les Attraits, dont elle ignorait elle-même l’auteur. Nous avons fait voisiner dans ce choix (il a beaucoup fallu renoncer !) des poètes slaves (Pouchkine, Lermontov, Feth) avec des poésies traditionnelles espagnoles et italienne et des poètes français tels que Musset, Sully-Prudhomme et Larenaudière. S’ajoute l’étrange et inclassable poète allemand Eduard Moerike (écrivain, peintre, pasteur défroqué…) dont Pauline choisit de mettre plusieurs textes en musique.
Joyeuse, tragique, lyrique, soucieuse du passé comme de l’héritage populaire, Pauline Viardot salue toutes les couleurs de la vie et manie les langues avec une facilité inouïe. Russe, allemand, italien et surtout espagnol (cela paraît normal étant données ses origines), rien ne lui est étranger qui se passe à la surface de la terre.